La vidéo Dans la nuit du temps est une remédiatisation coopérative de l’œuvre “Dans la nuit du temps – Texte de musique aléatoire pour ensemble variable et bande magnétique (1968-1969)” de Costin Miereanu, élève de Stockhausen et Ligeti. Dans sa qualité de libretto, à part les paroles “bibliques” en relation avec la création du monde et de la lumière, l’œuvre contient des instructions verbales concernant la performance de l’œuvre. En les utilisant comme la matière première, le medium linéaire de la vidéo nous avait permis un jeu avec les notions du temps réversible, la notion de huitième jour – symbole de l’intemporalité et l’invocation de la lumière “logique”, encadrée par l’obscurité.
Mon travail d’artiste est un produit d’influences, d’actions et de suppressions d’actions, de détournements et d’appropriations multiples – notamment dans la coopération entre les artistes comme pratique esthétique qui s’insère dans mes démarches de création individuelle. C’est un travail de plasticienne qui ressemble au travail d’un écrivain : il contient les digressions innombrables, citations, associations libres, parfois éliminées à moitié ou oubliées.
D’ailleurs le mot « texte » étymologiquement est de même origine avec le mot grec pour l’art : « tekhnè », d’où « technique », « texture », « textile », ou le « tissu ». Si je veux m’arrêter sur les implications de cette constatation, c’est parce que l’image et le corps – comme le tissu biologiquement tissé – les deux, sont lisibles – du même que le corps d’un texte.
Dans le livre « L’homme, animal, la fonction symbolique » de Raymond Ruyer, on trouve la proposition : « Toute vision est déjà, au sens large, une pensée, sans quoi elle ne pourrait jamais devenir une pensée au sens précis du mot. Si différentes que soient la vision et la lecture, il n’y aurait pas de lecture proprement dite si la vision n’était déjà pas spontanément une sorte de lecture ».
En tant que artiste plasticienne, vidéaste et photographe qui vit et travaille à Paris je m’intéresse au « work in progress », en complément de la note d’Ezra Pound selon laquelle chaque artiste est toujours au début, étant un Troubadour.
Dans mon approche à l’art vidéo, je combine deux sensibilités artistiques différentes. D’un coté je me comporte comme un coloriste, allant au fond du l’art rétinal, comblant le vide de notre perception avec une sensibilité pure. De l’autre, j’explore la présentation visuelle des concepts. La dialectique de ces deux approches aboutit à un processus sans fin de création réciproque, puisque les nouvelles technologies, qui facilitent le versioning, la collaboration et le forgeage, correspondent parfaitement au concept de “travail ouvert” d’Umberto Eco.
Yvana Samandova
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